- Le sens de la marche du 5 mai se précise dans l'action
- L'eau, le mal et le bien. Philosophie concrète
- Patron Peugeot et ses suivettes
- Un beau jour d'égalité
- Jean-Marc Ayrault humilie le Parlement puis est ridiculisé
- « L'écologie pétrogazière de Cohn-Bendit »
- Appel d'écologistes pour la marche du 5 mai
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Deux farfelus, tête d’œuf en chef, se seraient trompés dans leurs calculs et de là viendrait que tout va de travers dans l’évaluation des politiques d’austérité qui ne seraient finalement pas si indispensables que cela, voir même seraient contre-productives. Tel est le roman que servent à présent les très importants pour crier des alertes aux gouvernements européens qui ont précipité leur pays dans le mur que nous connaissons tous. Nos thèses sur le sujet sont donc officiellement confirmées par nos adversaires. Je doute pourtant qu’ils capitulent sans condition. Non. Tout ira encore plus mal. D’une part parce que rien ne se fera avant un bon moment. Tous les trains lancés vont dans l’autre sens. D’autre part parce que si les politiques d’austérité ne sont pas la réponse au problème posé, le problème reste posé et le capitalisme financiarisé ne sait comment le résoudre. Enfin la politique d’austérité est un moyen de lutte de classe très efficace pour le capital contre le travail, une source de juteux profits, et un formidable outil de puissance géopolitique comme le montre l’usage impérial qu’en fait l’Allemagne contre le reste de l’Europe. En tous cas, nos thèses défendues pendant quatre ans en solitaire dans l’arène politique et sur des marges périlleuses dans le mouvement social et intellectuel sont validées. Cela ne change rien pour nous. Mais cela change tout pour l’adversaire puisque la légitimité de ses politiques est mise en cause. La délégitimation de l’ordre en vigueur est une des conditions initiales qui concourt à l’accélération de la révolution citoyenne.
Les jours qui passent voient la préparation de la marche citoyenne du 5 mai pour la Sixième République, contre l’austérité et la finance vaincre bien des difficultés qui se présentaient à nous, sur le terrain. J’en parle ici pour commencer…
Le sens de la marche du 5 mai se précise dans l'action
La préparation du 5 mai prend son envol. Puissant. Plus fort déjà que le niveau du 30 septembre dernier. Sans doute parce que le contenu de la manifestation recoupe de mieux en mieux la réponse attendue aux événements du moment. Quoi que veuillent faire croire les solfériniens et la droite, la mobilisation qui s’opère prend tous les contours d’un large arc des forces de la gauche politique et sociale. L’appel des écologistes pour le 5 mai avance vers ses mille signataires. La tribune hostile et maladroite parue dans "Libération" à l’instigation des proches de Cohn-Bendit nous aura finalement aidés à faire la preuve que nous rassemblions sans a priori ni injonction, là où d’autres voudraient clivages et invectives. En fin de course il apparaît que l’influence des actes posés par Eva Joly est mieux en ligne avec la sensibilité moyenne de la mouvance écologiste militante que ceux posés par José Bové et Daniel Cohn-Bendit, quand ils pensent que les vieux ressorts de la haine anti-communiste et anti-républicaine sont déterminants dans les motivations d’action de cette branche de l’écologie politique. En fait, ces deux-là se comportent comme si l’écologie politique était résumé par son rameau Europe-Ecologie. En vérité le mouvement est toujours très diffus et influent dans de nombreux secteurs qui ne se sentent représentés par personne politiquement, mais qui se positionnent dans des démarches d'objectif ou d’affirmation positive. Ces deux-là gèrent un patrimoine qui n’existe pas, ni là, ni comme ils le croient. En ne nous appropriant pas la marche citoyenne du 5 mai, tout en l’organisant et en la nourrissant de nos efforts, nous avons montré la force d’une méthode ouverte et non politicienne de l’action politique de masse.
L’appel des syndicalistes est aussi un événement dans son genre. Parce que les intéressés signent en mentionnant leur appartenance syndicale. Ils le font en pensant que cela sert la représentativité de leur organisation dans ce contexte. Et bien sûr, nul n’imagine que cela nuise à l’indépendance mutuelle de nos partis et syndicats. Cela acte aussi le fait de quels déclenchements d’énergie provoquent les initiatives du Front de Gauche, surtout quand il les place ensuite sous la direction de collectifs ouverts.
D’autres appels sont en cours et contribuent à la mobilisation. J’invite à en suivre le déroulé en se rendant sur le site dédié et en s’inscrivant à la lettre de liaison qui permet à chacun de prendre sa part de travail y compris derrière son ordinateur. A cet instant je veux évoquer encore le texte des économistes. Certes c’est un domaine intellectuel très aigu dans la période. Le document est un compromis. Mais justement c’est cela qui est intéressant. Cette fois-ci encore sous l’impulsion de la jeune génération d’économistes qui orbitent dans l’opposition aux politiques d’austérité, toute une catégorie décisive d’intellectuels surmonte les difficultés évidentes que soulève la diversité de leurs appartenances politiques pour trouver le moyen de se joindre dans la marche pour la Sixième République. J’ajoute en pesant mes mots que cela se fait alors même que sont continuellement déversées les accusations et mises ne cause contre moi à qui la marche est attribuée sans cesse, pour en réduire la portée, jusqu’au jour de son succès où naturellement il en ira autrement. Cela veut dire que le ressort de la personnalisation sans cesse retendu par nos adversaires ne percute plus, comme ils le croient eux non plus, les intellectuels comme les syndicalistes comme tous ceux qui participent à la mobilisation étant eux-mêmes habitués de longue main désormais à devoir résister dans leurs domaines à ce type de manœuvre et de dénigrements bovins.
Je ressens que l'appel à la marche citoyenne épouse une envie puissante de démonstration de force. Comme une sorte de revanche face à une droite qui tient la rue depuis des semaines sans que les répliques de gauche ne parviennent à fédérer. La raison est que les difficultés se multiplient sans cesse du fait des reculades du gouvernement dans tous les domaines. Autre chose va venir maintenant nourrir la marche citoyenne. C’est l’utilisation que tous voudront en faire à propos de l’ANI "made in MEDEF". Le vote est en effet reporté au 14 mai. Dès lors, la manifestation du 5 mai venant après celle du 1er mai s’inscrit dans la construction du rapport de force contre le Medef. De tous les points de vue possibles, le 5 mai est une date utile et un outil efficace.
L'eau, le mal et le bien. Philosophie concrète.
Cet homme était salarié de Veolia-Eau depuis 20 ans. Il s’appelle Marc, il a 48 ans. Qu’a-t-il fait ? Il a refusé de couper l'eau dans des foyers qui ne pouvaient plus payer leur facture d’eau potable. Pour la multinationale Veolia, les clients sont des pompes à fric. Pas question d’admettre qu’il s’agisse d’êtres humains. Car les êtres humains ne peuvent se passer d’eau. Mais la multinationale ne peut se passer de ses profits. C’est donc l’argent qui a le dernier mot. Les êtres humains qui n’ont plus d’argent doivent se passer d’eau. Mais ce n’est pas possible. C’est ce que s’est dit Marc. Marc est un être humain. Pas son patron. Une personne qui ne peut payer doit se passer d’eau ou payer. Comment payer ? Ce n’est pas le problème du patron car « si tout le monde faisait comme ça », gnagnagna. Par exemple la personne qui n’a pas d’argent pour payer l’eau dont elle ne peut se passer pourrait agresser un passant dans la rue pour lui voler son portefeuille, se prostituer, vendre de la drogue, ou n’importe quoi d’autre qui soit inhumain et illégal, la multinationale s’en fiche. Tout est bien du moment que sa part lui revient en payant la facture qui comporte le prix du service et le profit pour les dividendes. Celui qui touche le dividende se fiche que l’argent viennent d’une activité inhumaine ou illégale du client. D’ailleurs lui-même peut placer son argent dans les paradis fiscaux où les fonds de la drogue, du vol, de la corruption et de la prostitution se garantissent les uns les autres. Tout est donc simple dans ce monde-là.
Quelqu’un sans eau, pour Veolia, c’est juste un mauvais payeur qui n’a que ce qu’il mérite. De toute façon cette personne ne peut pas se défendre. On peut donc l’agresser sans risque. Couic, plus d’eau. Paye ou crève, c’est ton problème. Un point c’est tout. Telle est la force banale du mal. Le mal absolu. Celui qui coupe l’eau à quelqu’un qui ne peut payer décrète que le mauvais payeur n’est pas un être humain. Parce que les êtres humains ne peuvent vivre sans eau. Marc, 48 ans, salariés depuis 20 ans de Veolia, paye ses factures et il n’aime pas les mauvais payeurs. Mais il n’arrive pas à oublier que ce sont des êtres humains. Marc est donc viré pour insuffisance d’inhumanité. L’inhumanité est une qualité requise au travail chez Veolia. Et moi je dis ceci, en accord avec les « Robins des bois », les « Mariannes des énergies », les principales religions et philosophies. Je dis ceci, tranquillement. Celui qui nie l’humanité de l’autre nie la sienne. L’inhumanité est contagieuse et la première victime est aussi celui qui accepte d’être inhumain. Désobéir à une consigne inhumaine est un devoir fondamental pour rester un être humain. Désobéir est un devoir d’autant plus impératif lorsqu'il y a mise en danger des biens et des personnes. Ce qui est le cas avec la privation d’eau. Priver quelqu’un d’eau c’est décider qu’il peut s’en passer. Or il ne peut s’en passer. Priver d’eau quelqu’un est donc criminel. Si vous êtes de cet avis vous pouvez signer la pétition. Juste pour lui donner une tape fraternelle sur l’épaule, juste pour lui dire merci de rendre le monde moins stupide cruel et inhumain. Cet homme a perdu son boulot pour ça. Quand nous serons au pouvoir il sera réintégré, indemnisé, et décoré de la légion d’honneur. Nous n’aurons pas d’autre vengeance. Bien sûr l’eau sera socialisée. Mais pas par vengeance ! Juste parce que c’est l’intérêt général. Vienne le temps des cerises et des jours heureux, en quelque sorte. Dans notre conception de la Sixième République, la garantie de l’accès aux moyens des droits humains fondamentaux sera assurée. Le programme « L’Humain d’abord » le propose par la gratuité des premiers mètres cubes d’eau et des premiers kilowatt-heures. On sait exactement combien cela représente d’eau et d’énergie. Cela se finance par un tarif progressif et par la surfacturation des mésusages. L’eau de la piscine coûtera plus cher que l’eau pour boire et se laver. Notre monde à nous aussi est simple.
Patron Peugeot et ses suivettes
Après avoir annoncé 11 000 suppressions d'emplois et le gel des salaires, Philippe Varin patron de PSA avait obtenu 7 milliards de garantie de l'Etat pour sa banque interne. Il est fort Varin. Avec une usine dans la circonscription du ministre des finances, il y a une bonne ambiance de travail pour faire comprendre ses souhaits. Dimanche dernier, les travailleurs de PSA ont envahi le conseil national du PS. Ils demandent juste la nomination d’un médiateur. Un médiateur ! Les prétendus sociaux-démocrates devraient adorer ça. Surtout après leurs gargarismes sur « la négociation entre partenaires sociaux » et ainsi de suite. Mais Patron-Peugeot a dit : « Non ! Pas question ! ». Depuis toujours c’est la tradition de Peugeot : on ne discute pas avec l’ouvrier rebelle. On crée des syndicats bidons pour diviser et domestiquer, on dresse les petits chefs pour faire le job au quotidien. On recrute des larbins et des jaunes pour prendre l’ouvrier rebelle à revers. A Sochaux, dans le temps, les ouvriers rebelles appelaient cette sorte de faux frères « les suivettes ». Ils suivent le chef contre les collègues ! Donc Patron-Peugeot a dit « non » et les solfériniens ont fait les « suivettes » : « Oui chef ! ». Patron-Peugeot s’est dit « ces suivettes ne peuvent pas me tenir tête ! Vu leurs sondages, on voit bien que personne ne les soutient. Surtout depuis qu’ils ne donnent même pas de médiateurs à de pauvres ouvriers ! » Patron Peugeot se marre. Les suivettes sont toujours méprisés par tout le monde. Même et surtout par ceux qu’ils servent. De toute façon le personnel est toujours maltraité depuis des générations par les patrons-Peugeot.
Le Patron-Peugeot Philippe Varin a décidé de proposer à l'assemblée générale d'actionnaires un plan formidable. Il veut que l'entreprise dépense 300 millions d'euros. Ça fait beaucoup de sous. Mais c’est juste pour racheter ses propres actions ! Trois cent millions jetés par la fenêtre. On les retrouvera ni en machines, ni en salaires, ni nulle part dans l’économie. Enfin si. On les retrouvera quelque part. Voici où. En rachetant 300 millions d’action, hop ça fait monter le cours de bourse ! Donc ceux qui ont des actions voient leur valeur augmenter et leur capital de même. Et cela alors même que l’entreprise va si mal paraît-il. Les ouvriers vont perdre leur emploi. Les suivettes vont perdre ce qui leur reste d’honneur. Mais les possesseurs de capital eux vont se gaver. Pas qu’eux. Aussi l’encadrement supérieur. Les super-suivettes, en quelque sorte ! Car le Patron-Peugeot prévoit aussi 30 millions d'euros pour distribuer des stocks options. Tranquille le Philippe Varin. Qui va lui dire quelque chose, hein ? Le gouvernement de gôche ? Le ministre du redressement machin chose ? « Ha ! Ha ! Ha ! », s’amuse Philippe Varin.
Philippe Varin a trompé les salariés de PSA et le gouvernement. Ce gaspillage des plans de rachats d'action avait précisément été dénoncé en juillet par le ministre Montebourg. Qu’est-ce qu’il dit le ministre à présent ? Et aussi à quoi sert l'administrateur Louis Gallois, nommé à PSA par le gouvernement en contrepartie des 7 milliards de garanties publiques accordées ? A-t-il accepté ces propositions indécentes ? Que font ces gens ? Pourquoi laissent-ils faire ? Pourquoi ne font-ils rien ? Pourquoi tout le monde qui a de l’argent peut-il s’essuyer les pieds sur nos bulletins de vote ?
Un beau jour d'égalité
Ce mardi 23 avril 2013 n’était pas un jour comme les autres dans notre histoire politique nationale. La loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe a été adoptée à l’assemblée nationale. Cette loi s’inscrit dans le combat des Lumières pour l’égalité. Vieille racine de nos luttes politiques en France et, par contagion, dans le monde. Les uns disent que les êtres humains naissent libres et égaux en droit. Les autres disent que l’égalité est une vue de l’esprit. Pour les uns la loi libère. Pour les autres elle opprime ! Les uns pensent qu’il n’est de nature humaine que culturelle, socialement et historiquement constituée et sans cesse recrée. Les autres pensent que la nature humaine est un fixe invariant. Pour eux, la loi égalitaire contrarie l’état de nature et donc génère une violence qui est légitime.
Ce n’est pas seulement une victoire philosophique des Lumières que ce moment. Le vote vient à la suite d’une longue série de conquêtes républicaines que furent le mariage civil, le droit au divorce, la création du Pacs. Le commencement de 1789 n’a pas épuisé sa dynamique. Le vote hostile au mariage pour tous du député communiste Carvalho, utilisant la faille béante de l’autonomie du groupe devant le Front de Gauche et de chaque député vis-à-vis du groupe, doit rester à sa place isolée, sans signification politique. Le groupe s’est bien battu sous l’impulsion de Marie-George Buffet. C’est comme ça qu’a été obtenue, entre autre, une première reconnaissance de la diversité des familles au sein des instances représentatives de la vie familiale. Et le jeu collectif que pratique Marie-George avec les structures de travail du Front de Gauche a été enthousiasmant pour les camarades de terrain. En tous cas la commission LGBT du Parti de Gauche était regonflée à bloc quand a été modifié l’article L211-1 du Code de l’action sociale et des familles permettant ainsi aux associations homoparentales d’adhérer à l’Union nationale des associations familiales (UNAF) et aux Unions départementales des associations familiales (UDAF). Et encore plus en voyant s’accroître la représentativité des associations familiales laïques par la reconnaissance (enfin !) de l’existence des familles même quand elles ne sont pas formées dans le cadre du mariage !
On passera sans trop s’y arrêter, dans l’instant de fête que nous vivons, sur la frilosité du président de la République tout au long du combat. Il a semé le trouble en commençant par imaginer une « clause de conscience » pour autoriser les maires à ne pas célébrer les mariages homosexuels. Avant de se rendre compte que cela est tout simplement illégal, en plus d’être offensant. Mais comme ce fut révélateur de sa vision de la loi à géométrie variable ! En reculant sur l’adoption et le droit à la PMA pour les couples de lesbiennes, le président a ensuite donné l’impression que tout cela posait un problème d’on ne sait quelle nature, aggravant l’ambiance lourde que la droite et les « naturalistes » voulaient créer autour du sujet. Et pourquoi a-t-il renoncé à renforcer les droits de tous les couples, notamment ceux du Pacs ? Et pourquoi n’avoir rien permis ni rien programmé à propos du changement d’état civil libre et gratuit pour les personnes transsexuelle. L’Argentine, pays du pape l’a fait ! Pourquoi pas la France ? Je voudrais rappeler que dans mon discours de la Place de la Bastille en mars 2012 j’avais dit, au nom du Front de Gauche, que la Constitution de la Sixième République devrait garantir dans ses principes la stricte égalité de tous les couples comme une liberté fondamentale et un droit inaliénable. Je crois que la marche du 5 mai va intégrer cette dimension d’une façon essentielle. Je souhaite qu’on y voit beaucoup de pancartes et banderoles sur ce thème. Ce sera la couleur de fond de la manifestation d’après moi, autant que le refus de la finance et de l’austérité.
Jean-Marc Ayrault humilie le Parlement puis est ridiculisé
Le final de la présentation de l’ANI au parlement clôt dans la honte un épisode parmi les plus lamentables de ce début de quinquennat calamiteux. Je parle ici du recours au "vote bloqué" au Sénat sur le projet de loi MEDEF sur l'emploi, dit ANI. Une décision misérable. Pour rien ! Car le vote final est, pour terminer, reporté au 14 mai. La conférence des présidents de groupe s’est en effet insurgée contre les brutalités du gouvernement. Le gouvernement a donc échoué à accélérer le processus. Tout en se discréditant lourdement. « Cela aura des conséquences » a lancé Eliane Assassi, notre présidente de groupe. Car c’est une chose de demander un vote bloqué face à la droite et une toute autre chose de le demander pour fermer la bouche aux sénateurs du Front de gauche et de la gauche du PS !
J'ai alerté sur la brutalité du gouvernement dans ce dossier plusieurs fois sur ce blog. La procédure parlementaire "d'urgence" a été déclenchée. Elle limite à un débat dans chaque assemblée l'examen du texte alors que la Constitution prévoit une règle normale de deux lectures par assemblée. Tous les délais ont été compressés. Alors que le gouvernement a su prendre des semaines et même des mois pour le projet de loi sur le mariage pour tous, il n'a consenti que quelques semaines pour un texte qui attaque violemment le code du travail. Pour justifier le recours au vote bloqué au Sénat, Michel Sapin a tenu des propos surréaliste. "A la reprise de la discussion [samedi] matin, nous en étions à plus de dix-huit heures de débat. Nous avions examiné 156 amendements sur les 679, soit 8 amendements par heure. Le Sénat a eu recours à 50 scrutins publics, ce qui est bien au-delà des habitudes. A ce rythme, il nous [aurait fallu] siéger encore une soixantaine d'heures pour achever l'examen de ce texte". Vous avez bien lu. Pour Michel Sapin, les droits du Parlement et le débat parlementaire sont une lenteur insupportable. Tel est le futur contremaître pressenti par François Hollande pour porter son barda gouvernemental ! C’est l’homme de « la gauche qui agit ». On voit pour qui et contre qui… C'est surréaliste. Car le même Michel Sapin n'a pas eu de mots assez grandiloquents pour défendre le texte. Il a vanté une loi "historique", "comme il n'y en a que trois ou quatre par siècle". Diantre ! Mais pour Michel Sapin, soixante petites heures dans un siècle, c'est encore trop !
Le gouvernement ne voulait pas du débat. Il a peur de la vérité. Il joue la montre car le mauvais coup ne passe pas si bien que ça. Au PS l’influence de Gérard Filoche s’est considérablement accrue sur ce thème. Certes cela ne débouche sur rien, mais la résistance s’est exprimée avec brio et en face la riposte s’est vite éteinte. Et quand même au total 73 députés de gauche ont refusé leur appui à ce mauvais coup ! Le gouvernement a dû se contenter d'une majorité relative, 250 voix sur 577. Plus les jours passent, plus le doute et les mises en cause s’étendent. Et les soutiens s’amenuisent. Il a donc recouru à un artifice de procédure : le vote bloqué. De quoi s'agit-il ? L'article 44, alinéa 3 de la Constitution de la 5e République permet que "si le Gouvernement le demande, l'assemblée saisie se prononce par un seul vote sur tout ou partie du texte en discussion en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement.". Autrement dit, il n'y a qu'un seul vote global qui inclut tous les articles du texte et les amendements gouvernementaux. Seuls sont soumis au vote les amendements "acceptés par le gouvernement". Tous les autres amendements disparaissent. Ils ne sont ni présentés ni discutés, ni mis au voix.
Le recours au vote bloqué au Sénat est un révélateur. Les libéraux et les sociaux-libéraux ne peuvent imposer leurs politiques sans brutaliser la démocratie. On le voit chaque jour au niveau européen ou l'austérité est imposée sans l'avis des peuples sinon contre eux. La flexibilisation du marché du travail est le deuxième axe des politiques austéritaires. Elle aussi est imposée brutalement. Le gouvernement a donné un droit de veto au MEDEF. Il a contraint les parlementaires PS à renoncer à la quasi-totalité de leurs amendements pour ne pas déplaire à Madame Parisot. Le Front de Gauche, lui, ne marche pas à la schlague. Nos parlementaires n'obéissent pas à Jean-Marc Ayrault et encore moins au MEDEF. Ils ont donc déposé des centaines d'amendements sur ce projet de loi sur l'emploi. Ils voulaient expliquer les dangers, alerter les salariés. Ils voulaient convaincre les parlementaires qui se réclament de la gauche de défendre les salariés et leurs droits. Ils voulaient proposer de nouvelles solutions contre la précarité et le chômage. S'ils ont aussi multiplié les demandes de scrutins publics, ce n'est pas d'abord pour retarder le débat. C'est parce que les parlementaires PS doivent leur élection à l'ensemble des électeurs de gauche. Or ce texte n'a jamais été promis pendant la campagne électorale. Il contient des reculs dramatiques pour les salariés. Il est donc normal que les électeurs sachent ce qu'ont voté leurs élus.
Au Sénat, la dernière utilisation du vote bloqué datait de Nicolas Sarkozy et François Fillon. L'UMP avait utilisé cette arme antiparlementaire le 21 octobre 2010 sur un texte symbole : la contre-réforme des retraites. La droite l'avait utilisée alors contre la gauche, PS et Front de Gauche unis. Et Fillon avait décidé le vote bloqué après trois semaines de débat au Sénat. Le Parti Socialiste avait hurlé au scandale à l'époque. La première secrétaire du PS, Martine Aubry avait dénoncé un "coup de force" comme le montre un communiqué de presse toujours présent sur le site du PS. Le PS d'avant disait que "ce nouveau contournement du Parlement est scandaleux. Comment accepter que sur un sujet essentiel, qui engage le pacte social et républicain, on refuse aux élus de la nation le temps nécessaire au débat? Cette décision déshonore et discrédite le gouvernement et le président (…). Chacun comprend que ce qui gêne le gouvernement, c'est le débat. Parce que plus on débat, et plus la vérité apparaît : le projet du gouvernement est profondément injuste et ne règle rien".
Aujourd'hui, les solfériniens ne disent plus rien. Seule Marie-Noëlle Lienemann a protesté. Elle a dénoncé "un énervement gouvernemental, une forme d'aveu de faiblesse. Dès que quelque chose résiste, et en particulier quand ça vient de la gauche, le gouvernement ne le supporte pas". Sur le fond et sur la méthode, elle n'était pas d'accord. Avec Jean-Pierre Godefroy, c'est la seule sénatrice socialiste à avoir voté contre le texte au final, aux côtés des sénateurs du Front de Gauche. C'est autrement plus courageux que l'attitude de Robert Hue. Lui s'est lâchement abstenu, alors que son ancien parti, dont il a été le premier dirigeant, était agressé et humilié, et tandis que les droits des salariés étaient lourdement attaqués. A la fin, Ayrault est encore plus brutal que Fillon. Comme Fillon, Ayrault a utilisé le vote bloqué pour faire passer un texte contre les droits des salariés. Mais à la différence de Fillon, Ayrault n'a supporté le débat que trois jours. Et Ayrault n'a pas utilisé le vote bloqué contre la droite mais contre un groupe de gauche, le groupe des sénateurs communistes. Comme à l'Assemblée, le texte n'a été adopté qu'à la majorité relative. A l'Assemblée comme au Sénat, le Front de Gauche a voté contre et les parlementaires Europe Ecologie les Verts se sont abstenus. Comme à l'Assemblée, cette loi Ayrault-MEDEF n'a été adoptée par le Sénat que grâce à l'aide de la droite. L'UMP s'est abstenue et les centristes ont même voté pour avec les solfériniens et les radicaux de gauche.
Encore une fois, Ayrault n’a agi avec tant de bestialité qu’en raison de sa volonté de désamorcer la résistance face au texte du MEDEF. Il pensait alors que si le texte n'avait pas été voté avant dimanche 21 avril au Sénat, il n'aurait pas pu être définitivement adopté par le Parlement avant la mi-mai. C'est-à-dire après les manifestations syndicales du 1er mai et notre grande marche pour la 6ème République le 5 mai. Les solfériniens ont préféré caporaliser le Parlement pour en finir au plus vite. Le projet de loi devait passer en commission mixte paritaire mardi 23 avril au matin pour pouvoir être définitivement adopté jeudi 25 avril par l'Assemblée et le Sénat. C'était encore une magouille avec l'ordre du jour du Parlement. Car cette semaine est normalement une semaine de "contrôle" de l'activité gouvernementale par le Parlement. Ces semaines de "contrôle" ne servent normalement pas à voter des textes de loi mais à débattre de l'application des lois déjà votées et de l'action du gouvernement. Au lieu de cela, le gouvernement à essayer de faire inscrire le vote sur la loi MEDEF. Peine perdue. Tout s’est effondré devant la résistance des présidents de groupe ! Le texte ne sera pas soumis au vote avant le 14 mai. Du coup les manifestations du 1er mai et celle du 5 mai redeviennent des temps de rapport de force contre cette loi malfaisante et scélérate.
Pourtant bien sûr, c'est moi que l'on accuse de diviser la gauche ! Mais c’est Ayrault qui agresse et divise toute la gauche parlementaire. C'est le Front de Gauche qu'on accuse de voter avec l'UMP quand il est le seul à s'opposer à une loi PS-MEDEF votée grâce à l'abstention de l'UMP. C'est moi qu'on accuse d'être violent quand c'est Ayrault qui caporalise le parlement et bafoue le droit d'amendement des parlementaires. C'est moi qu'on accuse de populisme quand c'est Ayrault qui méprise la démocratie représentative et le Parlement. La vérité, c'est que nous appelons à une Sixième République quand Ayrault utilise contre nous toutes les manœuvres permises par la Cinquième République. Cet épisode montre à quel point l'austérité et la flexibilité ne peuvent être imposés que de façon autoritaire. Il montre aussi une nouvelle fois combien la lutte sociale est indissociable de la lutte démocratique dans la démarche de la Révolution citoyenne.